lundi 25 février 2008

Lundi 26 avril 2004

Nanterre. Sur le quai du RER A (direction Paris), je mange mon sandwich « campagnard » à un prix qu’un simple étudiant (moi il y a 15 ans) ne pourrait se permettre. Mais depuis, j’ai changé de condition. Sur un banc, Colette Beaune déplie le Monde.

Rue de la Conceição

Celle de l’accueil passe sa vie ici. Je me demande bien où elle a dormi puisqu'elle m’a laissé sa chambre pour la nuit ? Un peu défrâichie, comme la plupart des chambres de la pension, elle a des yeux clairs qui veulent encore voir le monde et savent sourire. Passé dans sa petite intimité (quelques mètres carrés), je n’ai pas eu le courage de regarder d’un peu plus près ses affaires : un carnet sombre d'où dépassait la photo d’un homme, l’emballage presque intact d’une mini-chaîne, quelques paires de chaussures neuves derrière les rideaux. Et quoi d’autre ? L'accent du Brésil et puis cette vie-là.
Je ne demande pas où est passé le petit vieux d’il y a deux ans; celui qui semblait à bout de course, agité de quintes de toux monstrueuses et qui s'endormait devant les matchs de foot. Ai-je peur de la réponse ?
Le soir, voitures et tramways provoquent de petits tremblements de terre. Les sirènes à l’américaine des voitures de flics incendient un peu plus le paysage qui subitement retombe dans une profonde torpeur. Quelque chose d’irréel s’en dégage comme on ouvre plus grand la fenêtre.
De ma chambre, je peux presque toucher l'immeuble d'en face, à moitié ravalé à moitié abandonné. Sur le toit, deux antennes. La plus rouillée balance doucement et semble tenir à sa voisine un joli discours voire, d'entretenir, obstinément, un dialogue qui, faute de réponse, s’étire tristement; si bien que le beau cirrus qui passait au-dessus a disparu remplacé par l’azur intense qui, pour le coup, n’inspire plus que mélancolie.
Sur la droite, l’immeuble où était né Mario Sa de Carneiro, le grand ami de Pessoa, suicidé à l’hôtel de Nice à Pigalle.
Le drapeau italien, arrimé à la façade de la pension, se met à flotter, pour une raison mystérieuse. Dans l’immeuble d’en face, seul l’aquarium donne signe de vie, éclairant des bureaux bien rangés et des piles de documents vouées à des activités inconnues : assurances ? Immobiliers ? Les journaux disent que la ville se vide. En dehors des étrangers et des bobos, qui a encore les moyens de résister à l’assaut frénétique du capital ? La partie abandonnée de l’immeuble donne la mesure du futur possible de Lisbonne.

Quarta-feira

nous nous retrouverons
et les abîmes perdront leur
couleur d’hélice. Douces
ardoises ce champ de lumière
que rien ne vient crever
pas même cet arc souple
que tu me montres d’un geste
d’aquarelle : c’est ici que la voix
se fait corniche

Son poids d'étau

cette échelle
et puis au-dessus
une deuxième
que je vois plus distinctement
s'agit-il de la même ?
à y regarder encore
on en devinerait bien une troisième

prendre le temps
de toucher aussi
l'œil collé à la nuit
quand l'attente paye
son poids d'étau

samedi 23 février 2008

Stèles d'essaims

la voix qui déclinait jaillit de nouveau :

arrêtons de commander aux dieux
déchirons l'hiver et les rêves inclinés
creusons de nouvelles rosaces
rêvons l'acier de ces stèles d'essaims

durée dans la poche maculée

"jusqu'au caveau de Marie Bashkirtseff
derrière le rempart de Passy
jusqu'au divan vert du dispensaire

ne fallait-il pas fuir l'incendie par le Corso ?"
*

Comme je ne sais rien des intentions de Gardelli à mon égard, j'oublie la missive mais, par un mécanisme que j'ignore, y réponds secrètement douze heures durant. Probable qu'il m'ait vu rôder, déposer mon offrande. Témoin de mon obstination d'abord honteuse, il avait attendu, sourire aux lèvres, que je lui déclare la guerre.

mercredi 20 février 2008

After the wreck


Alors qu'il restait seul
sans même l'écho glacé capté par le peintre

affronter le retour :
"I went home that was not home",
Dannie Abse